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Nous n’apprenons plus à quel point la publicité peut être grandiose

La grand-messe annuelle de la publicité mondiale – les Lions de Cannes – était bien partie pour se dérouler à nouveau comme un fleuve tranquille en 2017. Mais c’était compter sans John Hegarty – Sir John Hegarty. La légende vivante de la publicité a jeté un pavé dans la mare en déplorant l’accent placé sur la technologie, qui a pesé lourdement dans le choix des campagnes lauréates. « On a parlé de technologie et non de créativité », telle était son opinion… qui a provoqué une marée de réactions.

 

Cette controverse démontre à quel point la relation est houleuse entre la technologie et les optimiseurs de marques (annonceurs, marketeers et agences publicitaires). Wim Vermeulen, Managing Director de Dentsu Consulting, a écrit un livre édifiant sur la relation d’amour/haine entre les marketeers/publicitaires et la technologie. Il lance un plaidoyer pour la pensée à grande échelle.

Exponentiel vs logarithmique

WIM VERMEULEN « La technologie progresse à un rythme exponentiel tandis que les entreprises changent de façon logarithmique. Les entreprises ne pourront donc jamais suivre les évolutions technologiques. Mais ce n’est pas indispensable. Il est plus important de ne pas être à la traîne.

Et ce n’est pas évident car dans toute entreprise, une divergence d’opinions freine les avancées : un groupe dit « Nous devons suivre la technologie, aller de l›avant » tandis qu’un autre, bien plus conséquent, affirme « Non, la situation actuelle est très bien ». La réticence aux nouvelles technologie est un phénomène typiquement humain. Les gens n’aiment pas le changement. Un deuxième facteur de frilosité réside dans notre sensibilité au ‘shiny new object’. Quand une nouveauté fait son apparition, nous y consacrons souvent une attention excessive. Et nous négligeons ce qu’il y avait avant. Mais peut-être les éléments du passé peuvent-ils mener à un changement radical et le nouveau shiny object n’est-il qu’une passade. Le fait d’innover dans le seul but d’innover relève donc d’une stratégie bancale. Aucune entreprise n’a l’argent ni le temps pour tout intégrer. Il faut trancher. Mais si vous faites le mauvais choix, vous vous désavantagez et personne ne peut plus se le permettre à l’heure actuelle. En période de croissance exponentielle, il est quasi impossible de combler un retard. Dans mon livre, je plaide pour une constance / stabilité/ innovante. »

 

Émotionnel vs rationnel

L’accélération technologique reconfigure donc en permanence le terrain d’action, au sein des entreprises comme dans la tête et le ménage du consommateur. C’est sur cette corde oscillante que les marketeers tentent de construire leurs marques. Comment doivent-ils s’y prendre ? Surtout pas comme nous le faisons maintenant, estime Vermeulen.

« L’analyse des campagnes les plus efficaces dans la base de données de l’IPA britannique démontre que les marques ne peuvent s’étendre de façon durable que si elles affectent 60 % de leur budget de communication à leur construction. Pour cela, il faut travailler dans le long terme et présenter des arguments émotionnels au consommateur. Mais que constatons-nous depuis dix ans ? Les annonceurs et leurs agences consacrent 70 % de leur budget à l’activation des ventes et seulement 30 % à la construction de la marque. Bien sûr, nous encourageons alors les gens à prendre des décisions rationnelles et à ramener chaque achat à une recherche du plus gros avantage financier possible. Et c’est surtout chez les marques premium que le bât blesse. Car si on supprime l’aspect magique, chaque produit premium est un produit comme les autres – juste plus cher. D’où un enchaînement de conséquences : il se vend moins bien, de sorte qu’il a besoin d’une nouvelle campagne d’activation des ventes, et perd dès lors encore un peu de sa magie. C’est ainsi qu’on s’enfonce dans une spirale négative. Et c’est fâcheux car l’homme est un être émotionnel par excellence. Nous nous targuons d’être rationnels mais les neurosciences ont démontré que nous prenons 9 décisions sur 10 sur la base d’émotions. Que nous soyons CEO, Sales Manager ou consommateur. Si votre marque veut faire partie de ces 90 %, elle n’y parviendra qu’en forgeant des cadres émotionnels dans l’esprit du consommateur, et non à coups de raisonnements. La volonté de réfléchir le moins possible est d’ailleurs monnaie courante chez l’être humain. Nous n’aimons pas réfléchir : c’est fatigant. Les travaux scientifiques de Kahneman le prouvent d’ailleurs noir sur blanc. Ses idées, qui lui ont valu le Prix Nobel d’Économie, percolent peu à peu dans notre secteur. Quand un annonceur dit « Je veux vendre davantage, donc je dois utiliser des arguments rationnels », il est de plus en plus souvent contredit par la science. Je suis donc optimiste. Le message de Kahneman s’immisce progressivement dans chaque boardroom. En tant que marketeers, nous devons jouer un rôle précurseur sur ce plan. »

 

Court terme vs long terme

Cet optimisme est-il bien fondé ? Les champions de la réflexion à court terme – la Génération Z – trépignent au portillon. Dans quelques années, cette génération, accro à la gratification instantanée, prendra les décisions au niveau du management. Pourquoi les investissements dans la construction de marques évolueraient-ils alors dans la bonne direction ?

« C’est la raison pour laquelle j’ai écrit mon livre : pour expliquer aux jeunes qu’ils doivent se projeter au-delà d’un trimestre. Que leurs réflexions peuvent aller plus loin qu’un post Facebook. Qu’ils doivent faire preuve d’ambition envers la publicité. C’est le problème avec les jeunes qui apprennent le métier aujourd’hui : on ne leur enseigne qu’à réfléchir à court terme. Si vous vous focalisez sur l’immédiat, pas besoin de cogiter au positionnement de votre marque, à la conquête d’une place dans l’esprit des gens. L’erreur vient de nous, la génération actuelle de marketeers. Nous ne formons plus correctement les jeunes. Nous ne leur apprenons plus à quel point la publicité peut être grandiose. Alors comment peut-on leur reprocher de ne pas s’y attarder ? Au travers de mon livre, j’espère amorcer le débat sur la question « Qu’est-ce qu’une publicité efficace à l’ère des technologies numériques ? » Je tiens à démontrer que si elle respecte les règles de l’art, la publicité est le gage d’une croissance stable et durable. »

 

Tap Forward est une solution

Dans son ouvrage, Wim Vermeulen fait un premier pas vers la réponse. Il plaide pour une approche Tap Forward : des campagnes portées par le consommateur, qui génèrent dix à cent fois plus d’impact pour le message. Et se traduisent par une expansion. Ce résultat n’est possible que moyennant une utilisation intelligente de la technologie numérique. Le livre est truffé d’exemples parcourus par un même fil conducteur: la surprise. Un ingrédient essentiel pour damer le pion aux adblockers , estime Wim.

« 77 % des gens installant des adblockers n’ont rien contre la publicité. C’est juste qu’ils n’aiment pas les annonces monotones. Voilà qui devrait déclencher un énorme wake-up call pour notre secteur… Surtout en ces temps de customer centricity. Dire que nous recevons ce genre de signal du consommateur et que nous n’en tenons même pas compte ! Nous continuons tout bonnement à faire des publicités ennuyeuses. N’y a-t-il pas là une opportunité manquée ? »


Envie de lire plus sur les tendances technologiques dans le secteur marketing ? Lisez la version intégrale du Sparkle #9 ici.

Ps. Le saviez-vous ? Le In-Home Advertising (Direct Mail et Door-to-door) fonctionne parfaitement pour une approche Tap Forward. Contactez-nous pour notre présentation ‘Talkable Brands’ et laissez-vous inspirer!

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